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mardi 23 septembre 2014

Les tribulations du dernier Sijilmassi, Fouad Laroui

Albert Horel (1876-1964), Mosquée à Azemmour
Jeudi 16 octobre 2014
Félicitations à Fouad Laroui, lauréat du Prix Jean Giono 
pour son roman Les tribulations du dernier Sijilmassi
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Sélection pour le prix Goncourt 2014
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Quatrième de couverture
  « Adam réfléchissait. Et il n'arrivait pas à trouver de solution à cette énigme : pourquoi son corps se trouvait-il à une altitude de trente mille pieds, propulsé à une vitesse supersonique par des réacteurs conçus du côté de Seattle ou de Toulouse - très loin de son Azemmour natal, où les carrioles qui allaient au souk dépassaient rarement la célérité du mulet, où les voitures à bras n'excédaient pas l'allure du gueux se traînant de déboires en contretemps ? »

  Dans son style inimitable, Fouad Laroui nous entraîne à la suite de son héros - un ingénieur marocain décidé à rompre du jour au lendemain avec son mode de vie moderne et occidentalisé - dans une aventure échevelée et picaresque. Une tentative de retour aux sources semée d'embûches et à l'issue plus qu'incertaine, derrière laquelle se dessine une des grandes interrogations de notre temps : comment abattre les murs que l'ignorance et l'obscurantisme érigent entre les civilisations ?

  Fouad Laroui est l'auteur, notamment, d’Une année chez les Français (2010), La Vieille Dame du riad (2011) et L'Étrange Affaire du pantalon de Dassoukine (2012) qui a reçu le prix Goncourt de la nouvelle.


Extrait
  Marche ou crève. Nous autres, camarades, retiens ça, que ça nous plaise ou que ça ne nous plaise pas, faut qu’on y aille… Marche ou crève ! Ça résonne dans sa tête, ça l’empêche de penser, de sentir que ses pieds sont en sang…
  Après avoir marché toute la journée, il atteignit la grève / Des mers dans le pays qui fut depuis Assur. C’était Azemmour, sa ville natale, l’Azemorum des Romains.
  « Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr. » Il marcha lentement sur le vieux pont, s’efforçant de ne pas regarder le fleuve qui coulait en contrebas, puis, longeant les remparts de la vieille forteresse, il se dirigea vers la rue du Mouflon.
  Des gens s’arrêtaient sur son passage pour le dévisager mais il ne les voyait pas. Guidé par son instinct, il tourna sur la gauche, en face de la grande porte du mellah, parcourut une centaine de mètres puis tourna de nouveau à gauche. Il entra dans la ruelle et alla frapper à la porte de l’antique maison. Le heurtoir résonna violemment dans le silence du soir.
  Rien depuis la rue ne laissait soupçonner l’habitation. Pas de fenêtres, un long mur gris, une porte – puis un vestibule étroit et, alors, c’est le débouché sur la vraie maison, la cour intérieure, la lumière, l’eau, la vie. La vie… Il était né et avait grandi dans cette maison, où ne résidait plus qu’une vielle tante infirme que tout le monde appelait Nanna.
  Une grande émotion s’empara de lui. Je suis revenu. Je rentre dans le boyau. La vraie vie est ici.
  Lorsque j’étais petit garçon, j’habitais une maison ancienne, et la légende racontait qu’un trésor y était enfoui.
  Il prit la maillet du heurtoir dans la paume de sa main, l’enserra un instant pour mieux sentir à quel point il était lisse, poli par les générations de Sijilmassi, et d’abord par son père et son grand-père, puis il assena de nouveau plusieurs coups sur la porte.
  Il y eut quelques instants de silence. Une petite fille entrebâilla la porte et la referma aussitôt après avoir regardé Adam d’un œil rond.
  Adam entendit la petite crier :
  – Nanna ! C’est le Diable !

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