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mardi 20 janvier 2015

Pèlerinage d'un artiste amoureux, Abdelkébir Khatibi

Narcisse Berchère (1819-1891), Caravane dans le désert. RMN Photo (C) Musée des Beaux-Arts Rennes

Quatrième de couverture
  Il y a plusieurs entrées de lecture à ce roman. Raïssi, le personnage principal, y pénètre par une porte secrète après une découverte extraordinaire. Découverte qui bouleverse sa vie privée, approfondit son œuvre d'artiste et sa relation avec la religion et le surnaturel. Un artiste mystique ? Oui, un initié aux secrets du monde islamique.
L'histoire commence à Fès en 1897 et se termine à Mazagan en 1960. Raïssi voyage vers Dieu. Il explore le monde à la croisée des pays, des civilisations et des religions.
  Au-delà de l'Histoire incarnée dans la période coloniale et post-coloniale, rayonne la promesse de la tolérance...
Spécialiste de la littérature maghrébine, Abdelkébir Khatibi est l'auteur de nombreux ouvrages sur les sociétés et l'art islamiques. Il a publié récemment Féerie d'un mutant, aux Editions du Serpent à Plumes.



Extrait
« J’ai entendu dire que dans des contrées lointaines, on croit que le singe pourrait parler, mais il est entré par prudence dans le silence, le beau silence, de peur que l’homme ne le fasse travailler. Le singe a choisi la liberté, la forêt, contre l’esclavage imposé par l’homme.
 « Le singe nous donne une leçon sur la valeur du silence et de son bon usage. Peut-être savait-il parler jadis, puis il a oublié. Est-il entré dans l’amnésie ? L’animal est-il un être sans mémoire, sans langage, sans culture ? Comme pourrions-nous l’affirmer avec certitude ?
« Selon moi, la vérité c’est que le singe est prêt à parler, à nous parler. Il attend le bon moment. C’est la politique du silence. Nous attendons avec lui en philosophant.
 « Telle est la leçon de sagesse que le singe partage avec nous. Nous partageons avec lui un secret. Un jour, dira le singe à la guenon, dans sa plus belle promesse d’amour :
  –Le temps est venu. Prépare-toi, ma belle, à la fête d’une nouvelle langue !
 «Nous mangeons l’animal, nous le dressons pour briser peut-être son savoir inné. Dans d’autres contrées encore plus lointaines, au vaste pays de la réincarnation, le singe est élevé au rang de dieu ou presque – quel  sacrilège !  –, il est l’inventeur de la grammaire et de l’écriture.
 « Nous, musulmans, nous invoquons Ibrahim pour dire que l’animal a été sacrifié à la place du fils de l’homme donné à Dieu. Voyez-vous, je parle en mon nom, je suis réformiste, un homme de la tolérance et de la mesure. Non un théologien : le mieux qu’il puisse faire c’est un jeu de mots croisés sur le Nom de Dieux et ses attributs.
 « L’homme s’est libéré en se mettant debout. Des mains libres, un droit de regard sur le monde, une bouche pour parler et manger dignement – face à l’horizon. Le langage a commencé ainsi. C’est ce que disent les savants, mais Dieu seul le sait. »
  La séance dura tard la nuit – jusqu’à la prière de l’aube. Raïssi resta éveillé, et, avant de se quitter, lui et Anasse échangèrent leurs burnous en signe d’amitié. Editions du Rocher

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