Nicolás Muller (1913-2000), Fête du
Mouloud I – Al Mawlid I [Mouloud festival I] Tangier, Morocco, 1942 © Nicolás
Muller
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Encore
peu connu en France, Nicolás Muller (Orosháza, Hongrie, 1913-Andrín, Espagne,
2000) est l’une des grandes figures de la photographie sociale hongroise. Comme
plusieurs de ses compatriotes photographes — Eva Besnyö, Brassaï, Robert Capa,
André Kertész et Kati Horna — Nicolás Muller a connu l’exil.
Issu
d’une famille juive bourgeoise, il fuit les régimes répressifs des pays
européens à mesure qu’il les traverse. D’abord à Paris, puis au Portugal, en
passant par le Maroc et finalement l’Espagne, son parcours professionnel et
personnel est marqué par les traces de l’exil.
Formé
au hasard de ses rencontres et de ses expériences, les photographies de Nicolás
Muller, des années 1930 sont marquées par un style documentaire « humaniste »
qui révèle une grande sensibilité pour le monde ouvrier et les classes sociales
les plus démunies (commune à une grande partie des photographes hongrois de
l’époque).
La
représentation du monde du travail est sans doute un point de départ important
dans sa carrière. Indépendamment des contextes sociaux et politiques du pays où
il se trouve, il photographie les ouvriers agricoles, les dockers des ports de
Marseille et de Porto, les enfants des rues, les marchands ambulants à Tanger,
la vie des campagnes et, plus tard, les célébrités de Madrid.
L’exposition du Château de Tours réunit, pour la première fois en France, une centaine
d’images et de documents issus des archives conservées par sa fille Ana Muller
et sélectionnées par Chema Conesa. Elle retrace de façon chronologique le
parcours de ce photographe pour qui l’horizon a longtemps été provisoire.
Nicolás
Muller reçoit son premier appareil photographique à l’âge de treize ans. Il
voit immédiatement dans la photographie le pouvoir de rendre visible une
certaine idée du monde et des gens. Il partage cette passion pour la photographie
avec ses études de droit et de sciences politiques à l’université de Szeged.
Son appareil et le sentiment de pouvoir traduire l’aventure de vivre seront les
deux constantes qui façonneront à la fois l’homme et l’artiste.
« J’ai
appris que la photographie peut être une arme, un document authentique de la
réalité. […] Je suis devenu une personne et un photographe engagés. »
Alors
qu’il est encore étudiant, il parcourt pendant quatre ans la plaine hongroise à
pied, en train ou à bicyclette. De ses pérégrinations, il capte des portraits,
des intérieurs de maisons, des épisodes de la vie rurale ou de celle des
ouvriers qui construisent les digues de la rivière Tisza.
Ses
premiers travaux sont très nettement centrés sur la ruralité de la Hongrie – qui
lors du Traité de Versailles (1920) se voit amputée d’une partie importante de
ses terres. L’esthétique avant-gardiste — avec la diagonalisation des images et
la prise de vue en plongée ou en contreplongée — fait partie de son carnet de
voyage initiatique.
Suite
à l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie en 1938), la
Hongrie s’aligne sur la politique allemande. Nicolás Muller décide de partir
pour poursuivre sa carrière de photographe. Il arrive à Paris en 1938 et entre
en contact avec d’autres artistes hongrois comme Brassaï, Robert Capa et André
Kertész. Il travaille pour plusieurs organes de presse : Match, France
Magazine, Regards… dans lesquels il publie notamment une série de clichés sur
le monde ouvrier de Marseille et de Hongrie. On retrouve également ces thèmes
lors de son court séjour au Portugal (où il est emprisonné puis expulsé sous la
dictature du général Salazar).
Grâce
à son père, resté en Hongrie et proche du Rotary Club International, il
parvient à obtenir un visa pour Tanger. Des juifs de toute l’Europe centrale
affluent alors dans cette ville. Tanger le plonge dans un état créatif presque
fébrile : « Les yeux, les mains et tout mon être me démangeaient de l’envie
d’aller partout pour prendre des photographies. » Il fait alors inlassablement
le portrait de cette ville où il doit apprendre à apprivoiser un nouvel élément
: l’excès de lumière.
Parallèlement,
Nicolás Muller collabore à l’illustration de quelques livres comme Tanger por
el Jalifa ou Estampas marroquis. Le Haut Commissariat d’Espagne au Maroc lui
commande également des chroniques sur les villes de la « zone espagnole ».
Après
un séjour de 7 ans à Tanger – qu’il qualifie d’ « années les plus heureuses de
ma vie » il décide de s’installer à Madrid avec l’envie de reprendre son
travail de photojournaliste, de poursuivre son exploration des régions
espagnoles, d’exposer et de publier ses ouvrages.
Son
studio madrilène se fait connaître.Il fréquente les écrivains, les philosophes
et les poètes du légendaire Café Gijón et ceux de la Revista d’Occidente.
Ainsi, il prend part activement à la vie clandestine de l’intelligentsia
espagnole et réalise de nombreux portraits de ses amis artistes, comme les
écrivains : Pío Baroja, Camilo José Cela, Eugeni d’Ors ou Ramón Pérez de Ayala,
le pianiste Ataúlfo Argenta, ou encore le torero Manolete peu de temps avant sa
mort.
Nicolás
Muller prend sa retraite à l’âge de 68 ans.
Au
début des années 1980, il s’installe à Andrín (aux Asturies) où il meurt en
2000.
Nicolás Muller (1913-2000), Fête du
Mouloud II – Al Mawlid I [Mouloud festival I] Tangier, Morocco, 1942 © Nicolás
Muller
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Nicolás Muller (1913-2000), Tánger,
Marruecos [Tangier, Morocco] 1942 © Nicolás Muller
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Nicolás Muller (1913-2000), Marché de
nattes de paille [Straw mats at the market] Tangier, Morocco, 1944 © Nicolás
Muller
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Nicolás Muller (1913-2000), Danseuse [Dancer] Larache, Maroc, 1942 © Nicolás Muller |
Toujours émouvant de se trouver face au passé qui n'existe plus comme tel. Ce sont de beaux témoignages d'une époque. Bises Kenza, douce journée. brigitte
RépondreSupprimerBonjour, c'est magnifique ! Merci pour cette belle découverte, je ne connaissais pas. Et pourtant le Maroc, c'est une grande part de mon enfance. Photos émouvantes pour moi. Merci encore.
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