Charles Landelle (1812-1908), Portrait of an Egyptian woman |
Quatrième de couverture
Comme Les Poussières de l’effacement et Muses et Égéries, parus
précédemment aux Éditions du Seuil, Sémaphores appartient à la série des «
Carnets », vaste projet littéraire dans lequel Gamal Ghitany s’attache à
transcender la forme du récit autobiographique pour se pencher sur les énigmes
de la mémoire, de l'identité, du désir, de la finitude et du temps.
Au sein de cette encyclopédie intime, Sémaphores est une œuvre tout
à fait singulière, fruit d’une inlassable traque des réminiscences que l’auteur
égyptien a menée du côté des gares et des trains, dans ce monde du rail qui est
à la fois une source inépuisable de souvenirs et d’anecdotes, et une puissante
métaphore de notre condition humaine. Entre les gares du Caire, d’Alexandrie,
Assouan, Rome, Zurich, Moscou ou Pékin, entre l’émoi des premiers départs, les
expériences initiatiques, le voluptueux hasard des rencontres et l’approche des
destinations, ce Carnet déploie sous nos yeux les territoires infinis du réel
et de l’imaginaire.
Traduit de l'arabe (Égypte)
par Emmanuel Varlet
Extrait
Le train qui reliait Koubri
el-Laymoun à ‘Ezbet el-Nakhl avançait à un rythme posé, très lent en
comparaison des autres lignes partant vers le nord. Il en allait tout autrement
du Faransawi, officiellement appelé
le « train du Delta » mais que les gens préféraient nommer ainsi : le Français – je ne sais d’ailleurs pourquoi, étant donné que cette ligne avait
été fondée par une compagnie anglaise. Il roulait sur une toute petite voie, d’une
largeur étrangement réduite et avec des traverses plus minces. J’ai su par la
suite qu’il existait en Égypte deux types de voies ferrées : l’un « normal »,
avec un écartement de rails de quatre pieds et huit pouces et demi ; l’autre
« étroit », de trois pieds et six pouces. Ce dernier pouvait à l’époque
être observé dans les plantations méridionales de canne à sucre et sur la ligne
du Faransawi, qui partait de la ville
de Mansoura et se ramifiait pour desservir divers points du Delta :
El-Barari, Dikirnis, Damiette.
J’ai pris ce train pour me
rendre dans la petite localité de Salamoun al-Qomash, où se trouvait une unité
de production de tapis. Le paysage rural y était très différent de celui de la
Haute Égypte ; là le vert régnait en maître absolu, la terre semblait plus
fertile, plus tendre, mieux imprégnée par l’humidité, qu’elle buvait sans
discontinuer depuis des millénaires. Jamais je n’avais vu de rizières avant de
pénétrer dans ces contrées. Elles sont très rares et je n’ai pu en voir que sur
une toute petite superficie, du côté de Mallawi. La verte clarté qui émane de
ces plantations rizicoles produit toujours un petit effet : dès que mon
regard se pose sur elle, elle soulève en moi un regain d’optimisme, qui me fait
oublier tous mes soucis. C’est la magie de cette tonalité de vert radieuse,
immaculée, uniforme, constante, sans nuances ni variations selon les heures du
jour. Un vert ardent, tenace, infaillible. De la même manière que le train de
huit heures représente pour moi la référence ultime, le souvenir sur lequel se
fondent les comparaisons, le vert des rizières qui borde de part et d’autre la
ligne du Faransawi constitue la
source première de la couleur, celle à laquelle j’aspire, l’aulne à laquelle je
mesure tout ce que je vois dans le vaste monde, où que me conduisent mes
voyages. Le vert occupe à mes yeux une place de premier plan, sur laquelle j’espère
revenir en détail dans un carnet consacré aux couleurs, si la vie m’accorde
assez de temps et mes forces ne m’abandonnent pas trop tôt. Seuil
Frederick Goodall (1822-1904), Leading the flock |
Après la lecture de la quatrième de couverture, le livre me tente...
RépondreSupprimerEt toi qu'en penses-tu après l'avoir lu ?
Beau week-end à toi !
Bises
Merci pour cette découverte, une fois encore. Ce livre est un appel au voyage... Je te souhaite une belle journée.
RépondreSupprimerDe très belles illustrations por illustrer ton coup de coeur. Bon week end, chère Kenza.
RépondreSupprimerUn bel article comme toujours. Le train est toujours synonyme d'évasion
RépondreSupprimerTrès joli billet ! ...envie de voyage quand tu nous tiens...
RépondreSupprimerVive les Voyages!
RépondreSupprimerbonne fin de semaine...bonne Paque!