samedi 29 septembre 2012

Quelque chose dans le regard...

Otto Pilny (1866-1936), Portrait of an Oriental Woman
« La beauté c'est quelque chose dans le regard qui exprime l'intelligence, 
et l'intelligence c'est quelque chose dans le regard qui exprime la beauté. » 
Bernard Werber

vendredi 28 septembre 2012

Souscription par le musée des Beaux-Arts de Lyon pour l’acquisition d’un Ingres

Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867),  L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint 

Jusqu'au 15 décembre 2012
  Le musée des Beaux-Arts de Lyon propose à tous les citoyens et amateurs d'art de devenir l'un des mécènes d'une œuvre exceptionnelle, "L'Arétin et l’envoyé de Charles Quint", peinte par Jean Auguste Dominique Ingres en 1848.
  Cette souscription est une première à Lyon. Généralement portée par les acteurs traditionnels que sont les entreprises ou les grands donateurs, cette souscription donne la possibilité à tous de participer à la vie culturelle et à l'enrichissement des collections publiques.
  Chaque donateur sera remercié nominativement dans le musée et sur le site du musée des Beaux-arts de Lyon et bénéficiera d'un accès privilégié à l'œuvre. L'œuvre est en vente au prix de 750.000€. La souscription est ouverte pour un montant de 80.000€. La somme restante est financée par la Ville de Lyon, les entreprises du Club du Musée Saint-Pierre, les particuliers membres du Cerce Poussin et le FRAM (Ministère de la Culture-DRAC, Région Rhône-Alpes).

 A propos du tableau
  Installé à Venise, L'Arétin s’affirme comme un esprit libre et brillant, n'hésitant pas à critiquer rois et puissants. L’empereur Charles Quint lui envoie ici l'un de ses messagers pour qu'il lui remette une chaîne en or afin d'acheter ses faveurs. Avec insolence, le poète la refuse en répliquant que "c'est là un bien mince cadeau pour une si grande sottise". Outré par cette injure, l'envoyé impérial porte sa main à la garde de son épée. La pose familière, jambes repliées, de l'Arétin traduit sa liberté, celle de l’artiste face aux puissants qu'Ingres exprime ici avec vigueur.
  À l'arrière-plan, deux femmes nues observent la scène en écartant un pan du rideau du lit. L'écrivain dont la vie licencieuse était célèbre, semble avoir été surpris dans un moment inopportun, ajoutant un caractère galant au tableau.

Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka

*°*°*
Quatrième de couverture
  L'écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l'auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu'elles n'ont pas choisi.
  C'est après une éprouvante traversée de l'océan Pacifique qu'elles rencontrent pour la première fois à San Francisco leur futur mari. Celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.
  À la façon d'un chœur antique, leurs voix s'élèvent et racontent leurs misérables vies d'exilées… leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail dans les champs, leurs combats pour apprivoiser une langue inconnue, la naissance de leurs enfants, l'humiliation des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire… Une véritable clameur jusqu'au silence de la guerre. Et l'oubli.

  Julie Otsuka est née en 1962 en Californie. Diplômée en art, elle abandonne une carrière de peintre pour  se consacrer pleinement à l'écriture. En 2002, elle publie son premier roman  Quand l'empereur était un dieu (Phébus, 2004 - 10/18, 2008), qui remporte immédiatement un grand succès.  Son deuxième roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer, a été considéré dès sa sortie aux États-Unis comme un chef-d’œuvre et a reçu le PEN/Faulkner Award for fiction
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Carine Chichereau

Extrait
  Le jour nous travaillions dans leurs vergers et leurs champs mais la nuit, dans notre sommeil, nous retournions chez nous. Parfois nous rêvions que nous étions revenues au village, où nous faisions avancer un cerceau de métal dans la rue des Riches-Marchands avec notre baguette fourchue préférée. D'autres fois nous jouions à cache-cache dans les roseaux au bord de la rivière. Et de temps à autre nous voyions passer on objet dans le courant. Un ruban de soie rouge perdu des années plus tôt. Un oeuf bleu moucheté. L'oreiller de bois de notre mère. Une tortue partie de la maison quand nous avions quatre ans. Parfois nous nous tenions devant la glace avec notre grande soeur, Ai, dont le nom peut signifier "amour" ou "chagrin" selon la manière dont on l'écrit, qui nous tressait les cheveux. "Reste tranquille!" disait-elle. Et tout était comme il devait être. Mais à notre réveil, nous nous retrouvions allongée au côté d'un inconnu en un pays inconnu, dans une étable bondée, remplie des grognements et des soupirs des autres. Quelquefois dans notre sommeil l'homme posait sur nous ses mains épaisses et noueuses et nous essayions de nous soustraire à son étreinte. Dans dix ans il sera vieux, nous disions-nous. Parfois il ouvrait les yeux dans la lueur de l'aube, voyait notre tristesse et nous promettait que les choses allaient changer. Et nous avions beau lui avoir lancé quelques heures plus tôt: "Je te déteste" alors qu'il nous grimpait dessus dans l'obscurité, nous le laissions nous réconforter car il était tout ce que nous avions. Il arrivait qu'il regarde à travers nous sans nous voir, et c'était là le pire. Est-ce que quelqu'un sait que je suis ici?
Editions Phebus

jeudi 27 septembre 2012

Edward Hopper, Exposition au Grand Palais

Edward Hopper, Chop suey Collection de Barney A. Ebsworth © Collection particulière

Edward Hopper
Galeries Nationales
du 10 octobre 2012 au 28 janvier 2013

  Exposition présentée au Grand Palais du 10 octobre 2012 au 28 janvier 2013
  Les peintures d’Edward Hopper ont la simplicité trompeuse des mythes, l’évidence des images d’Epinal. Chacune d’elles est un condensé des savoirs hypothétiques, des rêves que nous inspire l’Amérique. Expression des sentiments les plus poignants, ou pures constructions mentales, ces peintures donnent lieu aux interprétations les plus contradictoires.
  Romantique, réaliste, symboliste, et même formaliste, Hopper a été enrôlé tour à tour sous toutes les bannières. C’est cette complexité, signe de la richesse de cette œuvre que s’efforce d’éclairer cette exposition.
  Conçue chronologiquement, elle se compose de deux grandes parties : la première, consacrée aux années de formation, rapproche les œuvres de Hopper de celles de ses contemporains et de celles, découvertes à Paris, qui ont pu l’inspirer. La seconde partie à l’art de la maturité, des premières peintures emblématiques de son style personnel à ses œuvres ultimes.

Edward Hopper, Hotel Room Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid © Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid

Edward Hopper, Ground Swell Corcoran Gallery of Art, Washington, Museum Purchase, 
William A. Clark Fund © Corcoran Gallery of Art, Washington, DC

Edward Hopper, People in the sun Smithsonian American Art Museum, Gift of S.C. Johnson & Son, Inc. 
© 2011 Photo Smithsonian American Art Museum/ Art resource / Scala Florence

Edward Hopper, Lighthouse Hill Dallas Museum of Art, gift of Mr. and Mrs. Maurice Purnell 
© Image courtesy Dallas Museum of Art

Edward Hopper, Nighthawks Chicago, The Art Institute of Chicago, 
Friends of American Art Collection, 1942.51 © The Art Institute of Chicago


mardi 25 septembre 2012

Jacques-Émile Blanche, Jane Roberts

Jacques-Emile Blanche (1861-1942), Petite fille au chien

  «D’ici cinquante ans, on verra dans les musées les portraits que j’aurai peints, de tant de littérateurs, mes amis ; et de l’auteur de ces portraits, il n’y aura trace dans aucun livre de son époque. Je suis peut-être le seul artiste de mon âge, dont il n’existe pas la moindre monographie et que le Larousse ignore » : en écrivant cette prophétie en 1921, Jacques-Émile Blanche ne pouvait pas imaginer qu’il faudrait attendre 90 ans pour que son œuvre  soit enfin rassemblée dans un livre !

  L’exposition au musée de Rouen en 1997 est la première consacrée à l’artiste après la  rétrospective organisée au Musée de l’Orangerie en 1943, et les deux catalogues sont épuisés dès les premières semaines: Jacques-Émile Blanche a un public enthousiaste. Cette monographie, la première consacrée au peintre, est attendue depuis longtemps, aussi bien par les collectionneurs que les institutions qui possèdent des œuvres de l’artiste.
  Il était, de son vivant, un peintre de renom, mais aussi un pianiste de niveau professionnel, pouvant déchiffrer les partitions les plus difficiles, un écrivain ayant publié plus de quarante livres, ou encore un commentateur prolifique de la presse parisienne. à cause de cette multiplicité de talents, ses contemporains-critiques, confrères et même ses amis ne furent jamais tendres avec Blanche et lui reprochèrent sans cesse d’être un touche-à-tout, de vivre oisivement de rentes conséquentes, d’être trop doué, et d’être surtout excessivement mondain… «On m’a cruellement fait sentir, les privilèges dont j’ai été comblé», confiera-t-il.
C’est pourtant, dès 1880, à l’âge de dix-neuf ans, que Blanche avait résolument choisi  la peinture comme son véritable «métier»: les mille cinq cent œuvres répertoriées témoignent d’un travail sans relâche et de la  passion dévorante de toute une vie.
  Abondamment documenté l’ouvrage de Jane Roberts redonne à Jacques-Émile Blanche la place prééminente parmi les grands peintres de la «Belle Epoque» et de l’entre-deux guerres, au même titre qu’un Helleu ou un Boldini.

  D'éducation française malgré ses origines britanniques, Jane Roberts est historienne d'art et marchande de tableaux. Spécialisée dans les œuvres des XIXe et XXe siècles, elle travaille depuis 1987 sur l'œuvre de l'artiste Jacques-Émile Blanche. Membre de la Compagnie Nationale des Experts, Jane Roberts a été nommée Chevalier dans l'ordre des Arts et Lettres en 2011.
 Éditions Gourcuff-Gradenigo

Jacques-Emile Blanche (1861-1942), Vaslav Nijinsky
dans la "Danse siamoise" (Les  Orientales) ou Le Baiser de l'idole

Jacques-Emile Blanche (1861-1942), Segnora Eugenia Huici de Errazuriz

Jacques Emile Blanche (1861-1942), Julia Bartet

Jacques Emile Blanche (1861-1942), Les Savile-Clark Girls ou Skirt Dance

Jacques-Emile Blanche (1861-1942), Marcel Proust

Jacques-Emile Blanche (1861-1942), La Partie de tennis

Du côté de chez Jacques-Émile Blanche, Un salon à la Belle Époque


Du côté de chez Jacques-Émile Blanche
Un salon à la Belle Époque
du 11 octobre 2012 au 27 janvier 2013

  La Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent consacre sa 18ème exposition au peintre Jacques-Émile Blanche (1861-1942). Portraitiste incontournable de la fin du XIXème siècle, il a fréquenté dès son plus jeune âge les figures artistiques les plus emblématiques de son temps.

  L’exposition se concentre sur sa période faste d’avant 1918 en réunissant plus de soixante-dix œuvres du peintre dans un décor Belle Époque où l’on croisera le jeune Proust, Gide, Rodin, Cocteau, Debussy, Stravinsky, Degas, Mallarmé, Louÿs, Claudel… Elle révèle le regard libre de ce témoin exceptionnel d’un monde qui allait être emporté par la Grande Guerre.

samedi 22 septembre 2012

Tu dis que tu aimes les fleurs...

Henry Justice Ford (1860-1941), Caged

Tu dis que tu aimes les fleurs et tu leur coupes la queue,
Tu dis que tu aimes les chiens et tu leur mets une laisse,
Tu dis que tu aimes les oiseaux et tu les mets en cage,
Alors quand tu dis que tu m’aimes, moi j’ai un peu peur.

Jean Cocteau

mercredi 19 septembre 2012

Comme dans un beau songe...

Etienne Dinet (1861-1929), Junges Orientalisches Mädchen, Im Interieur Sitzend
Laissez, laissez mon cœur s’enivrer d’un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe, 
Et sommeiller longtemps à l’ombre de vos cils.

Charles Baudelaire,  Extrait de Semper eadem

Département des Arts de l’Islam du musée du Louvre

Portrait de Shah Abbas. Ici, le souverain lui-même se trouve en compagnie d'un homme buvant du vin. 
Un poème complète la page: «Que la vie vous procure ce que vous désiriez des trois lèvres: celles
 de votre amant, de la rivière de et de la coupe». Crédits photo : ©H. Dubois-C. Tabbagh/Musée du Louvre
Ouverture samedi 22 septembre 2012

   Le département des Arts de l’Islam est le dernier-né des départements du musée du Louvre.


  Créé en 2003, en chantier depuis 2008, il ouvrira ses portes le 22 septembre 2012 dans des espaces entièrement nouveaux et repensés, donnant ainsi à ses collections la place qu’elles méritent au sein du musée.

  Vingt ans après le grand chantier de la pyramide, la création du nouveau département des Arts de l’Islam au sein du musée du Louvre représente une étape décisive dans l’histoire du palais et du musée. À la fois architectural, culturel, artistique et civilisationnel, ce nouveau département convie le visiteur à un véritable voyage sensible au cœur de sa collection islamique. Carrefour de dialogue entre les cultures, il présente la face lumineuse d’une civilisation qui engloba en son sein une humanité infiniment variée et riche.


«Mur de céramique Ottomane» reconstitué, Turquie, vers 1560-1580. 
Crédits photo : ©H. Dubois-C. Tabbagh/Musée du Louvre.

Astrolable sphérique d'Iran (1144). Crédits photo : ©H. Dubois-C. Tabbagh/Musée du Louvre.

Parfums, Philippe Claudel

« On bat les souvenirs, ceux de la vie, ceux de l'Histoire et ceux des romans, comme des cartes. »


Quatrième de couverture
  "En dressant l'inventaire des parfums qui nous émeuvent - ce que j'ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même -, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n'existe plus: car c'est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être.Alors la tête nous tourne délicieusement." P. C.

  Écrivain traduit dans le monde entier, Philippe Claudel est aussi cinéaste et dramaturge. Il a notamment publié aux éditions Stock Les Âmes grises, La Petite Fille de Monsieur Linh, Le Rapport de Brodeck, romans qui ont connu un grand succès public et ont été couronnés par de nombreux prix. Membre de l'académie Goncourt, il réside en Lorraine où il est né en 1962. 


Extrait
Église 
  On cherche toujours à façonner des clés même s'il manque les serrures. J'ai toujours aimé les églises. Je les ai beaucoup fréquentées, du temps que je croyais en Dieu, et aujourd'hui encore, où je n'y crois plus. Me plaît le curieux protocole de leur silence. Leur retrait du monde aussi, même au cœur des plus bruyantes villes. Leurs murs éloignent, et du temps, et de la folie des choses, et de celle des êtres. Petit, je suis enfant de chœur, frappé par la beauté du théâtre de la messe, comme l'écrit Jean Giono, humant la cire chaude qui tombe en larmes lentes sur les flancs des grands cierges tenus par les mains d'argent des bougeoirs, et les vapeurs d'encens, âcres, épaisses, tortueuses quand elles s'échappent du brûloir comme l'âme visible d'un Satan sacrifié, apaisées ensuite lorsqu'elles s'élèvent en brume timorée pour interroger l'impassibilité des vitraux. Aubes, soutanes, étoles, scapulaires, dentelles, ceintures de satin ou corde grossière. Les vêtements amidonnés sont rangés dans une haute armoire de la sacristie, braillante d'encaustique et qui sent l'eau de Cologne et la lavande. Les tissus s'en imprègnent. Nous les revêtons en silence sous le regard de pis et la bouche maigre d'une grenouille de bénitier qui est notre adjudant: la mère Julia. Bougie, encaustique, encens, sages tissus tissés par des mains dévotes, carreaux de pierre lavés à grande eau par des femmes agenouillées, entre deux « Notre Père », haleine vineuse du prêtre après l'Eucharistie et puis surtout, la foi de millions d'humains depuis des siècles qui exsude cette odeur si particulière qui est celle de la piété, tenace, profonde, ineffaçable. L'odeur de la croyance indéfectible en un merveilleux mensonge qui dure depuis deux mille ans a soutenu bien des êtres, en a tué beaucoup d'autres. Éditions Stock

Pascal-Adolphe-Jean Dagnan-Bouveret (1852-1929), Le pain béni 
     (C) RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

lundi 17 septembre 2012

Dans le partage, Gérard de Cortanze

Pierre Oliver Joseph Coomans (1816–1889), Odalisque
Henné de mes doigts
où hurle ta chevelure,
quand tu ôtes au sommeil
des vents tranquilles - ou
que tu écoutes dans la
profusion brillante des
amandes - ou que
tu traces entre mes bras
trois visages singuliers -
ou que tu engages un rivage
dissipé de désirs - ou
que ton nom poursuit mon
histoire - ou que notre
étreinte fait vendange
dans le partage
- délice
- crainte et
- cendres.

Gérard de Cortanze, La porte de Cordoue

Les désorientés, Amin Maalouf

« J'appartiens à cette frange médiane qui, n'ayant ni la myopie des nantis ni 
l'aveuglement des affamés, peut se permettre de poser sur le monde un regard lucide. » 

  Quatrième de couverture
« Dans Les désorientés, je m'inspire très largement de ma propre jeunesse. Je l'ai passée avec des amis qui croyaient en un monde meilleur. Et même si aucun des personnages de ce livre ne correspond à une personne réelle, aucun n'est entièrement imaginaire. J'ai puisé dans mes rêves, dans mes fantasmes, dans mes remords, autant que dans mes souvenirs.

  Les protagonistes du roman avaient été inséparables dans leur jeunesse, puis ils s'étaient dispersés, brouillés, perdus de vue. Ils se retrouvent à l'occasion de la mort de l'un d’eux. Les uns n'ont jamais voulu quitter leur pays natal, d'autres ont émigré vers les Etats-Unis, le Brésil ou la France. Et les voies qu'ils ont suivies les ont menés dans les directions les plus diverses. Qu'ont encore en commun l'hôtelière libertine, l'entrepreneur qui a fait fortune, ou le moine qui s'est retiré du monde pour se consacrer à la méditation ? Quelques réminiscences partagées, et une nostalgie incurable pour le monde d'avant. » A. M.

Amin Maalouf est l'auteur de plusieurs livres, dont Léon l'Africain, Samarcande, Le Rocher de Tanios (prix Goncourt 1993), Les Échelles du Levant, Les Identités meurtrières ou Origines. Il a reçu en 2010 le prix Prince des Asturies pour l'ensemble de son oeuvre.

Extrait
  Et si je fréquentais notre groupe, c'est parce que les personnes qui étaient là s'intéressaient au vaste monde, pas uniquement à leur petite vie. Ils parlaient du Vietnam, du Chili, de la Grèce et de l'Indonésie. Ils se passionnaient pour la littérature, la musique, la philosophie et les débats d'idées. Sur le moment, on pouvait croire que ces préoccupations étaient largement partagées par l'ensemble des gens. Mais du temps de notre jeunesse, ce genre de cercle était rare, et aujourd'hui il est encore plus. Cela fait plus de vingt ans que je n'assiste qu'à des réunions d'affaires, ou à des réunions mondaines. La plupart des hommes traversent la vie, du berceau jusqu'à la tombe, sans jamais prendre le temps de se demander où va le monde, et de quoi sera fait l'avenir.
  "Ce que je te dis là, c'est presque mot pour mot ce que Ramzi m'a dit un jour. A l'époque, je lui avais donné raison, sans savoir quelle décision il mûrissait dans son esprit. Moi, jamais je ne quitterai le monde de mon plein gré, les bouleversements me fascinent plus qu'ils ne m'effraient. Mais, sur un point au moins, je suis entièrement d'accord avec lui : il faut parfois s'élever au-dessus de la vie quotidienne pour se poser des questions essentielles. Je ne m'attends pas à ce que nos amis me révèlent des vérités inouïes, mais j'ai soif de les entendre raconter leurs parcours, réfléchir à voix haute, exprimer leurs espoirs et leurs angoisses. Nous sommes à la frontière des deux siècles et de deux millénaires. Deux mille un! Je sais que la numérotation des années n'est qu'une convention humaine, mais une année qui porte un chiffre aussi symbolique constitue une bonne occasion de s'arrêter et de méditer. Tu ne penses pas?"
  Le visage d'Adam s'éclaira d'un large sourire. Son ami lui lança un regard soupçonneux.
  "Q'est-ce qui t'amuse tant dans ce que je viens de dire?"
  "Depuis ce matin, je n'arrête pas de me demander ce que je pourrais bien dire à Ramzi lorsque j'irai le voir. Et tu viens de me donner la réponse. Je vais lui tenir très exactement le discours que je viens d'entendre de ta bouche. Si je l'invite à un banquet d'amis, il ne viendra sûrement pas. Mais s'il s'agit plutôt d'une retraite méditative..."
  Ramez sourit à son tour.
  "Essaie toujours, mais je reste sceptique."
  "C'est en tout cas la seule carte à jouer."
  "Si tu arrives à le convaincre, je t'offre un avion comme celui-ci."
  "Non merci, je ne saurais pas quoi en faire."
  "Une voiture alors..."
  "C'est déjà plus raisonnable!"
  "Quelle marque?"
  "Non, Ramez, je plaisantais, je n'ai besoin ni d'un avion personnel, ni d'une voiture. A Paris, je ne circule qu'à pied, ou en métro, ou en taxi, ou en bus. Quelques fois même à vélo. En revanche..."
  "Oui, dis-moi!"
  "En revanche, si tu tiens ta promesse de m'envoyer chaque année deux caisses d'abricots blancs..."
  "Ça, c'est déjà promis."
  "Et si tu ajoutais une caisse de mangues d'Egypte, de la variété qu'on appelle hindi, allongées, avec une chair couleur rouille.."
  "Accordé!"
  "Et une caisse d'anones, et une autre d'oranges moghrabi..."
  "Et des dattes, je suppose."
  "Non, les dattes, j'en trouve maintenant à Paris."
  "Pas comme celles que je t'enverrai."
  Il y avais encore dans le plat deux abricots. Chacun des deux amis en pris un, pour le déguster avec une extrême lenteur. Grasset

Amin Maalouf, invité de Patrick Cohen dans 7/9 sur France Inter
 parle de son roman Les désorientésICI

Félix  Ziem (1821-1911), Beyrouth, les deux palmiers.  (C) RMN-Grand Palais / Agence Bulloz

Bohèmes, Exposition au Grand Palais

Charles Amable Lenoir, Rêverie Collection particulière © P.H. Sébastien Darasse / Realis

Bohèmes
Galeries Nationales
du 26 septembre 2012 au  14 janvier 2013

  Chantée, filmée, versifiée, exaltée, cent fois déclarée morte et toujours renaissante, la « Bohème » fait partie des mythes modernes. À travers plus de 200 œuvres, de Turner à Corot, de Courbet à Manet, de Van Gogh à Matisse, cette exposition révèle au grand public tout un pan de notre culture jusqu’ici occulté. Elle met en lumière la profonde transformation du statut de l’artiste dès le milieu du XIXe siècle ainsi que l’apport fondamental des peuples nomades à la construction de l’identité européenne.
  De Léonard de Vinci à Picasso, un vent de liberté souffle sur les arts : peinture, littérature, photographie et musique. Mise en scène par Robert Carsen, l’exposition vous invite dans un univers sombre et poétique où les maîtres mots sont audace, marginalité et anticonformisme. 

Boccaccio Boccaccino La petite Bohèmienne, l'Ancien Florence, Galleria degli Uffizi 
(c) Archives Alinari, Florence, DIst. RMN / Nicola Lorusso 
Su concessione del Ministero per i Beni e le Attivite Culturali

Jean-Baptiste Camille Corot,  Zingara au tambour de basque Paris, Musée du Louvre, 
département des peintures © RMN (Musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda

Theodor Von Holst, The Wish Collection particulière © DigitisingArt.Co

Edgar Degas Dans un café (L'absinthe) Paris,
 Musée d'Orsay © RMN (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Georges de la TourLa diseuse de bonne aventure New York, The Metropolitan Museum of Art 
(c) The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN / image of the MMA 
Uniquement pour la France, recadrages et modifications interdits

mardi 11 septembre 2012

Plagiat, Myriam Thibault

© photo : Samuel Boivin
Plagiat, Myriam Thibault 
Sortie le 12 septembre 2012

Quatrième de couverture
  Formant avec sa femme un couple bourgeois empêtré dans la routine, le narrateur de Plagiat, acteur et écrivain sûr de lui quoique légèrement désabusé, ne voit pas la catastrophe arriver: par une sorte de paresse affective, il se laisse surprendre par le départ soudain de sa femme. Désormais seul dans leur maison, il commence à fouiller dans de vieux papiers et découvre la correspondance qu’ils avaient échangée au début de leur relation. Lui qui pensait n’avoir aucune inspiration pour son nouveau livre se décide alors à raconter leur histoire à partir de ces lettres. Mais lorsque le livre paraîtra, et connaîtra le succès, ce geste vengeur se retournera contre lui.
  Amplifiant ce qu’elle avait ébauché avec ses deux premiers livres, Myriam Thibault pose la question de l’authenticité des sentiments à travers la figure d’un homme qui, en cherchant à tout prix la gloire, précipite sa propre chute.

  Myriam Thibault est étudiante à Paris. Elle a déjà publié Paris je t'aime (2010) et Orgueil et désir (2011) aux Editions Léo Scheer.

lundi 10 septembre 2012

Un Renoir acheté 5 € sur un marché aux puces

Pierre-Auguste Renoir, Paysages Bords de Seine
  Une Américaine a peut-être fait l’affaire de l’année sur un marché aux puces en dégotant, pour la modique somme de 5,45 Euros, ce qui semble être un authentique tableau de Pierre-Auguste Renoir.
  Selon une maison d’enchères américaine, Potomack Company, il pourrait s’agir d’une toile intitulée « Paysages Bords de Seine » dont la valeur est estimée entre 60 000 et 80 000 Euros ! Au-delà du style, typique du peintre du XIXe siècle, la maison d’enchères a remarqué une étiquette au dos du tableau mentionnant « un marchand d’arts français typique », le titre du tableau et bien sûr le nom de son auteur. Le Parisien

 Vente samedi 29 septembre 2012 : The Potomack Company

vendredi 7 septembre 2012

Charles Joshua Chaplin, Her Favourite Dog

 
Charles Joshua Chaplin (1825-1891), Her Favourite Dog
La jeune fille au chat

Le Cercle de l’art moderne, Collectionneurs d’avant-garde au Havre

Kees Van Dongen, la Parisienne de Montmartre (détail) vers 1907-1908
© MuMa, Le Havre – Florian Kleinefenn – © Adagp Paris 2012
Le Cercle de l’art moderne,  Collectionneurs d’avant-garde au Havre
du 19 septembre 2012 au 6 janvier 2013
Musée du Luxembourg

  Au milieu du XIXème siècle, Le Havre connaît un formidable essor. Le port se modernise et les importations de matières premières font la prospérité de la « Porte Océane ». Des entrepreneurs-négociants bâtissent des fortunes dans le coton, le café et les bois précieux, qu’ils consacrent à l’art. Installés depuis peu au Havre,, ces hommes d’affaires font preuve d’innovation tant au sein de leur entreprise que dans la constitution de leur collection. Leurs affaires florissantes influencent très directement la vie culturelle locale Eugène Boudin résumera l’équation en une formule lapidaire : « Pas de coton, pas de tableaux ».

  A la fin du siècle, une nouvelle génération de collectionneurs apparaît. Cinq d’entre eux se distinguent : Olivier Senn (1864-1959), le plus connu, mais aussi Charles-Auguste Marande (1858-1936), Georges Dussueil (1848-1926) Pieter Van der Velde (1848-1922) et Franz Edouard Lüthy (1847-1919). Plus ouverts à la jeune création, ils fréquentent à Paris les expositions du Salon d’Automne et des Indépendants, les galeries de Druet, Bernheim, Vollard…, les ateliers d’artiste, les salles des ventes. A la pointe de l’avant-garde, ils achètent des oeuvres impressionnistes, postimpressionnistes et fauves. La confrontation de leurs acquisitions révèle une saine émulation : c’est à qui achètera le plus beau Monet, à qui pourra s’offrir un Bonnard, un Van Gogh ou un Matisse et il n’est pas rare de voir les œuvres circuler et changer de propriétaires.

  Leur esprit d’entreprise les conduit à soutenir de jeunes artistes : en créant le « Cercle de l’Art Moderne » en 1906, ils permettent à des peintres havrais comme Braque, Dufy ou Friesz, d’exposer dans leur ville... Guillaume Apollinaire, Claude Debussy et Frantz Jourdain apportent leur parrainage à l’association, qui affiche d’emblée sa filiation avec le jeune Salon d’Automne. De 1906 à 1910 le Cercle va ainsi organiser des expositions, des conférences, des soirées poésie et des concerts. Les œuvres des plus grands artistes du moment sont présentées, notamment lors de quatre expositions annuelles : les « vieux » impressionnistes tels Monet, Renoir…, les néo-impressionnistes - Signac -  mais surtout les jeunes fauves - Matisse, Derain, Van Dongen, Vlaminck, Manguin…entraînés par leurs amis Braque, Dufy, Friesz.

  Le Havre s’impose ainsi comme l’un des hauts lieux du fauvisme, un mouvement artistique qui vient juste d’émerger. Le port, sans cesse modernisé, devient le sujet de leurs tableaux, dans la continuité de Monet qui y a peint Impression soleil levant (1874), tableau qui a donné son nom au mouvement impressionniste.

  Mais ces collectionneurs ont aussi à cœur de servir l’intérêt public. Agissant au sein de la commission d’achat du musée, ils s’attachent à enrichir les collections d’œuvres contemporaines (Pissarro, Monet…) donnant parfois eux-mêmes des peintures. Marande lèguera sa collection en 1936. En 2004, Mme Hélène Senn-Foulds donnera celle de son grand-père, Olivier Senn.

  Ces collections présentées au musée de la ville du Havre mais également dispersées dans les plus grands musées du monde, de Londres à New York, de Venise à Zurich, sont réunies pour la première fois dans cette exposition.

  De Corot à Derain, de Boudin à Dufy, de Monet à Marquet, l’exposition invite à pénétrer l’univers intime de ces collectionneurs qui au-delà de leur intérêt privé, se sont retrouvés au sein du Cercle pour défendre avec enthousiasme et générosité leur goût de l’avant-garde.

Balcon, Avenue de Versailles Albert Marquet Le Havre, Musée d’Art moderne André Malraux, MuMa  
© MuMa, le Havre - Florian Kleinefenn / Adagp, Paris 2012 Collection Olivier Senn

Intérieur à Sidi-Bou-Saïd Albert Marquet Le Havre, Musée d’Art moderne André Malraux, MuMa 
© MuMa, le Havre - Florian Kleinefenn Collection Olivier Senn

L'Excursionniste Pierre-Auguste Renoir Le Havre, Musée d’Art moderne André Malraux, MuMa
© MuMa, le Havre - Florian Kleinefenn Legs Charles-Auguste Marande
«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard