mardi 23 novembre 2010

Chant de Suzanne au bain, Alfred de Vigny

Franz von Stuck (1863–1928), Susanna Bathing
***
De l'époux bien-aimé n'entends-je pas la voix ?
Oui, pareil au chevreuil, le voici, je le vois.
Il reparaît joyeux sur le haut des montagnes,
Bondit sur la colline et passe les campagnes.

O fortifiez-moi ! mêlez des fruits aux fleurs !
Car je languis d'amour et j'ai versé des pleurs.
J'ai cherché dans les nuits, à l'aide de la flamme,
Celui qui fait ma joie et que chérit mon âme.

O ! comment à ma couche est-il donc enlevé !
Je l'ai cherché partout et ne l'ai pas trouvé.
Mon époux est pour moi comme un collier de myrrhe ;
Qu'il dorme sur mon sein, je l'aime et je l'admire.

Il est blanc entre mille et brille le premier ;
Ses cheveux sont pareils aux rameaux du palmier ;
A l'ombre du palmier je me suis reposée,
Et d'un nard précieux ma tête est arrosée.

Je préfère sa bouche aux grappes d'Engaddi,
Qui tempèrent, dans l'or, le soleil de midi.
Qu'à m'entourer d'amour son bras gauche s'apprête,
Et que de sa main droite il soutienne ma tête !

Quand son cœur sur le mien bat dans un doux transport,
Je me meurs, car l'amour est fort comme la mort.
Si mes cheveux sont noirs, moi je suis blanche et belle,
Et jamais à sa voix mon âme n'est rebelle.

Je sais que la sagesse est plus que la beauté,
Je sais que le sourire est plein de vanité,
Je sais la femme forte et veux suivre sa voie !
" Elle a cherché la laine, et le lin, et la soie.

" Ses doigts ingénieux ont travaillé longtemps ;
" Elle partage à tous et l'ouvrage et le temps ;
" Ses fuseaux ont tissu la toile d'Idumée,
" Le passant dans la nuit voit sa lampe allumée.

" Sa main est pleine d'or et s'ouvre à l'indigent ;
" Elle a de la bonté le langage indulgent ;
" Ses fils l'ont dite heureuse et de force douée,
" Ils se sont levés tous, et tous ils l'ont louée.

" Sa bouche sourira lors de son dernier jour. "
Lorsque j'ai dit ces mots, plein d'un nouvel amour,
De ses bras parfumés mon époux m'environne,
Il m'appelle sa sœur, sa gloire et sa couronne.

 Alfred de Vigny 

11 commentaires:

  1. Quelle envolée !!!!
    Tu as raison, à l'approche de l'hiver , il est bon de se chatouiller les sens !

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  2. Alfred de Vigny avait une écriture et un sens de la formule extraordinaire.
    Magnifique ce tableau. Tu sais toujours illustrer les écrits par de sublimes peintures.

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  3. "L'Amour est fort comme la mort " tout est dit dans cette phrase .
    Quelle magnifique déclaration d'amour ce poème de Vigny !
    Amicalement
    Nicole

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  4. Heureusement pour nous, les poètes puisent dans l'amour la nourriture de leur imaginaire et traduisent en mots qui traversent le temps, leurs passions, leurs faiblesses et leurs rêves ...
    Merci chère Kenza d'apporter chaque jour, beauté, douceur et raffinement dans un monde où la poésie n'a plus sa place.

    Belle journée à toi
    ♥ Hélène Glehen ♥

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  5. Monsieur Papillon est bien joli......bisous a lui de notre part a toutes les trois: Flo, Nana, et Uyanga !

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  6. Rien de tel qu'un petit vent d'alexandrins pour s'envoler lyriquement !
    Bisous ma Kenza !

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  7. Suzanne attire les regards !!!

    j'aime ce prénom

    qui me fait penser
    à la chanson de G Allright

    " Suzanne t'emmène
    écouter les sirènes
    elle te prend par la main
    pour passer une nuit sans fin ..."

    les sens , la volupté.....

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  8. Superbe ! Je suis une inconditionnelle de ce peintre.

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  9. Que dire... devant tant de beauté(s) ?

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  10. Quel beau duo Kenza !

    Pensées reveuses ...

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard