samedi 5 novembre 2011

Lucas Cranach le Vieux, La Nymphe de la source

Lucas Cranach le Vieux (1472-1553), La Nymphe de la source.
huile sur panneau aminci, doublé et parqueté, 57 x 78 cm. Estimation 3/4 M€
Une inscription en haut à gauche: Fontis nympha sacri somnum ne rumpe quiesco
« N’interrompez pas le sommeil de la nymphe de la source sacrée, je me repose ».
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Drouot Richelieu, Salle 5
Lundi 7 novembre 2011 à 15h00

Dans le cadre d’une importante vente de tableaux anciens, qui aura lieu le 7 novembre prochain, la maison de ventes Audap & Mirabaud présente aux enchères un exceptionnel tableau de Lucas Cranach l'ancien.

Lucas CRANACH l'ancien (né MOLLER, fils du peintre Hans Moller, ayant pris le nom de sa ville natale) (Kronach 1472-Weimar 1553).

« La nymphe de la source », panneau doublé parqueté, signé du serpent aux ailes repliées sur le tronc d’arbre à droite et portant une inscription en haut à gauche : Fontis nympha sacri somnum ne rumpe quiesco (« N’interrompez pas le sommeil de la nymphe de la source sacrée, je me repose ») sera proposé aux enchères sur une estimation de 3 000 000 / 4 000 000 €.

Il est impossible d’évoquer la peinture allemande du XVI° siècle sans en citer les deux grands peintres rivaux: Albrecht Dürer (1471-1528) et Lucas Cranach (1472-1553). C’est donc une œuvre majeure de l’histoire de la peinture qui sera présentée dans cette vacation.

Après des débuts dans l’atelier de son père Hans Moller, Lucas quitte la bourgade de Kronach, au Nord-Ouest de la Bavière actuelle, et se rend à Nüremberg et Vienne. C’est pour lui l’occasion de se confronter à des images et des idées nouvelles, notamment celles de l’humaniste Conrad Celtis (1459-1508) et du Collège des Poètes fondé en 1501 par Maximilien Ier. Ces rencontres sont déterminantes pour sa carrière : sa nomination à la cour de Wittemberg en 1505 serait la suite d’une recommandation de Conrad Celtis auprès de Frédéric III le Sage.

Cranach qui apporte au prince-électeur sa maîtrise d’un nouvel outil de propagande, la gravure, restera attaché pendant plus de 50 ans à la cour de Wittenberg, au service de Frédéric III le Sage jusqu’en 1522, puis de son frère Jean le Constant et, à partir de 1532, de Jean-Frédéric dit le Généreux. De la période qui précède son arrivée à Wittenberg nous ne connaissons que quelques peintures marquées par l’influence d’Altdörfer.

En 1507, Frédéric le Sage est nommé gouverneur des Pays-Bas. Cranach qui bénéficie de toute sa confiance, reçoit en 1508 des armoiries dont le motif central, un serpent couronné aux ailes de chauve-souris déployées portant un rubis dans sa gueule, est repris en signature sur tableaux et gravures. Il apparaît ici sur le tronc d’arbre, légèrement différent : en 1537, le fils aîné de Cranach, Hans, âgé de 24 ans, meurt au cours d’un voyage en Italie et les ailes de chauve-souris se replient, devenant une aile d’oiseau. Cette variante était peut-être la marque qu’avait commencé à utiliser Hans le jeune car on la trouve sur plusieurs panneaux de 1537.

En 1508, Lucas Cranach est envoyé en mission auprès de Marguerite d’Autriche, séjour qui marque un tournant dans sa production. Il découvre les œuvres des écoles du Nord et, à travers elles, celles d’Italie, les échanges entre ces deux écoles de peinture étant une réalité depuis 50 ans déjà. Quand il rentre, ses sources d’inspiration sont complètement renouvelées. Celui qui apparaissait comme un maître du paysage aborde la représentation féminine, élaborant pour ses Vénus et Lucrèce le canon qui signe ses œuvres et lui apporte le succès.

Très vite, il rationalise son atelier qu’il transfère du château de Wittenberg à la bourgade elle-même, se rapprochant de sa clientèle.

Il profite du bouillonnement d’une ville que son prince a dotée d’une université dès 1502 et qui attire artistes et intellectuels. C’est ainsi qu’il rencontre Dürer, Burgkmair ou Jacopo de Barbari. Tirant bénéfice des premiers pas de l’imprimerie, Wittenberg devient le cœur de la diffusion des idées nouvelles. Les thèmes humanistes, repris de l’antiquité ou créations contemporaines, se développent tandis que décline la demande de sujets religieux. C’est là que Luther, qui enseigne à l’université de la ville, initie la Réforme en affichant en 1517 ses 95 propositions sur la porte de l’église du château. Dans ce contexte, l’atelier de Cranach devient une étape incontournable. En 1509, Lucas Cranach y peint le premier nu mythologique grandeur nature créé au Nord des Alpes, Vénus et Cupidon et en 1514, les premiers portraits de cour grandeur nature, ceux d’Henri le Pieux, duc de Saxe et sa femme la duchesse Catherine.

Faisant preuve d’un véritable esprit d’entreprise, il ouvre sa maison à Melchior Lotter le jeune qui y installe en 1519 une imprimerie, facilitant l’édition et la diffusion de ses gravures. L’acquisition en 1520 d’une pharmacie facilitera son approvisionnement en couleurs et préparations diverses. S’étant assuré ainsi une certaine indépendance, il peut se consacrer à l’invention de nouveaux motifs. La nymphe de la source en est un magnifique exemple.

Tout au long de sa carrière de peintre de cour, Cranach traite ce sujet qui fut le premier nu féminin allongé dans un cadre naturel peint au Nord des Alpes, Giorgione ayant peint à Venise une Vénus endormie, vers 1508/1510.

Nous en recensons au moins 11 versions peintes qui permettent de suivre l’évolution stylistique du maître. Toutes présentent la nymphe dévêtue étendue dans l’herbe dans une composition à chaque fois différente. Celle présentée, exécutée après 1537, est parmi les plus belles. Le buisson de gauche aux feuilles découpées, semblable à celui du tableau de Besançon, illustre bien le génie du maître qui, d’un motif connu, crée sans cesse de nouvelles images. Dans le cas présent la qualité du tableau ne laisse aucun doute sur son importance. Drouot

Une sélection d’importants tableaux anciens viendront l’entourer, avec notamment :

Jean-Baptiste Oudry (1686-1755), Le Sérail du Doguin
 toile, 105,5 x 135 cm. Estimation : 500 000/600 000 €
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Martin Ryckaert (1587-1631), Hercule et Cacus

Martin Ryckaert (1587-1631), Le fils prodigue gardant ses troupeaux
une paire de cuivres du flamand Martin Ryckaert estimée 40 000 / 60 000 €
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Giacomo Guardi (1764-1835), Le pont du Rialto

Giacomo Guardi (1764-1835), La place Saint-Marc
une paire de panneaux de hêtre par Giacomo Guardi estimée 40 000 / 60 000 €

12 commentaires:

  1. je prefere les chiens, le pont, et le beaute de peinture generalement

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  2. Merci pour cet intéressant billet. Acquérir de telles œuvres doit être un instant suprême et j'aimerais que le riche collectionneur qui pourra s'offrir un tel trésor pensera à faire partager au monde entier la beauté de ces toiles de Cranach ou de Guardi !
    Bon week-end à toi ma si chère Kenza que j'embrasse

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  3. La nymphe de la source, quelle merveille !
    J'adore Cranac le Vieux, merci Kenza, pour notre plein de Beauté quotidien ...

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  4. la Nymphe, source d'inspiration...

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  5. La nymphe de la source irait bien dans mon salon !il me manque juste quelques millions d'euros:!pfffffffff

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  6. Des merveilles! Une seule chose me chagrine: que quelqu'un, quelque part possedera ces toiles. J'aurais aimé les voir dans un musée...

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  7. Heureux le millionnaire ? Pas forcément, car, grâce à toi, je peux admirer le travail de Cranach... indéfiniment, sans pour autant avoir à surveiller mon coffre fort.

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  8. Voilà qui fait envie! Magnifique expo également de l'âge d'or hollandais, j'espère venir à Paris à la fin du mois pour voir musées et expositions du moment, merci pour tes visites et excuse ma trop grande absence, je suis un peu débordée à l'école en ce moment, je t'embrasse et te souhaite une belle fin de week-end, Martine

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  9. C'est un beau moment que tu m'offres en montrant ainsi ces tableaux. Saurons-nous jamais qui va bientôt pouvoir les admirer de près chez lui?

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  10. J'ai "rencontré" Cranach en live lors de mon voyage en Allemagne l'an dernier, à la suite de quoi je suis allée voir l'expo à Paris: un coup de coeur pour ce peintre si sensuel. Les voiles qui recouvrent les corps galbés me font impression par la finesse obtenue avec un peu de blanc...ses portraits féminins sont de toute beauté sans oublier, mais c'est d'un tout autre ordre, les portraits de Luther.
    Les Guardi........

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  11. Guardi, j'adore, j'en rêve en mon musée imaginaire...

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard