lundi 9 janvier 2012

Chanson d'après-midi, Charles Baudelaire

Ferdinand Keller (1842 – 1922), A nymph drinking at a spring
***
Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n'est pas celui d'un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,

Je t'adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole.

Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l'énigme et du secret.

Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d'un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.

Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Qui fait revivre les morts !

Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.

Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ;

Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon coeur
Ton oeil doux comme la lune.

Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,

Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !

Charles Baudelaire

5 commentaires:

  1. belle semaine à toi et à nous avec tes trouvailles et bravo pour avoir était choisi le premier blog sur pas mal d'élection , tu le merites tu nous mets de l'art dans notre coeur chaque matin
    que la journée t'inspire

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  2. J'adore Baudelaire et Keller. Merci. Je laisse le link dans mon tumblr, je peux?

    http://laberintosyquimeras.tumblr.com/post/15573333476/a-nymph-drinking-at-a-spring-ferdinand-keller

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  3. les brunes comptes pas pour des prunes!surtout l'après-midi!

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  4. Kenza, merci pour ce cadeau... cela fait un bon moment que je n'avais pas lu Baudelaire :)

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  5. Merveilleux ... à écouter l'après-midi en fumant le calumet de la beauté ... :)

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard