"La grâce, la fantaisie, le hasard semblent avoir été les seuls architectes de ce lieu. C'est un dédale, une suite tout à fait désordonnée de cours de marbres et de jardins, autour desquels s'ouvrent des chambres d'un luxe céleste, angélique, avec des hautes portes qui montent jusqu'au toit, toutes peintes de fleurs, d'étoiles, d'arabesques; des mosaïques dont les couleurs semblent briller sous de l'eau qui ruisselle; des bandeaux de plâtre sculptés par une imagination qui semble ne s'épuiser jamais; des plafonds tantôt arrondis en dôme, tantôt en forme de carène, tantôt creusés de grottes d'où descendent des stalactites d'or, d'azur, de vermillon, tantôt plats, traversés de cent poutrelles menues, toujours jonchés de mille fleurs, merveilleux parterres aériens, qui ne connaissent pas de saison, et placés là-haut tout exprès pour distraire une rêverie sans pensée, étendu sur un coussin...
Voici une cour de dimension royale avec ses trois jets d'eau. En voici d'autres plus petites avec une seule vasque de marbre [...]
De ces parterres profonds jaillissent, avec des orangers couverts en ce moment de leurs fleurs et de leurs fruits, des cédras qui laissent pendre leurs lanternes jaune citron, des cyprès trois fois plus hauts que les petits toits verts qui entourent les jardin, des bananiers, des lilas du Japon, des cassies aux houppettes d'or parfumées, des daturas, des géraniums, un fouillis de plantes rustiques dans le plus complets désordre, comme si le jardinier avait dit à ces arbres et à ces fleurs: "Voilà l'espace que je vous ai donné: pas une herbe ne poussera hors de ces quatre carrés, au-dessous des allées brillantes réservées aux zelliges qui sont vos soeurs d'émail; mais là où vous êtes chez vous, croissez à votre fantaisie, je vous abandonne à Dieu..."
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Texte: Jérôme et Jean Tharaud, Marrakech ou les seigneurs de l'Atlas
Illustration: Edwin Lord Weeks 1848-1903, Girl in a moorish couryard
Le texte comme la photo me renvoient au "Paccard", l'immense encyclopédie d'architecture de l'Afrique du Nord, que j'ai feuilletée des centaines de fois, rêvant de palais cachés, de dédales de rues, de cours intérieures embaumées de parfums enivrants..
RépondreSupprimerJe l'ai feuilletée bien fois également, malheureusement, elle a disparu de la maison paternelle quelques temps après le décès de mon prère...
RépondreSupprimerJe suis très émue!
Oui, j'ai toujours mes deux Paccard. C'est un ouvrage rare, acquis il y a longtemps,et que je n'ai jamais revu en librairie.Un des piliers de ma bibliothèque au propre comme au figuré..
RépondreSupprimerquel plaisir à chaque fois que de me promener sur ton blog. le temps y semble suspendu, odorant, incandescent, fécond...une petite idée du paradis je crois.
RépondreSupprimerJe sais que c'est un ouvrage rare! Et comme je te comprends et t'encourage à le garder précicieusement!
RépondreSupprimerAmicalement
Comme tu as l'air particulièrement touchée, je te laisse gérer cette émotion à ton rythme, je crois que sans le vouloir j'ai effleuré une corde très sensible; Quand tu penseras le moment venu, je t'enverrai mon adresse...
RépondreSupprimerMerci Malyss!
RépondreSupprimerSomptueuse évocation de ces palais, Où la Nature renvoie l'écho du Paradis...
RépondreSupprimerBiz
Le texte est vraiment très beau, il rend bien l'atmosphère qui règnait dans ces somptueux riads!
RépondreSupprimerMerci pour ta petite visite ma chère Karine