mercredi 9 octobre 2013

Le marcheur de Fès, Eric Fottorino

« Quand ton fils a grandi, fais-en ton frère. »

Quatrième de couverture
  « Nous aurions filé vers les Pyrénées. On aurait coupé l’Espagne de haut en bas. Une manière de césarienne pour exhumer ton histoire. Nous serions remontés au début, jusqu'à Fès, ta ville natale. Serions-nous jamais arrivés ? »
À l’automne 2012, j’ai voulu emmener mon père marocain dans les rues de sa jeunesse, le quartier juif de Fès, la médina, l’entrelacs de ses souvenirs campés entre l’université de la Karaouine et la façade de l’Empire qui fut jadis le plus grand cinéma d’Afrique du Nord.
J’ai fait le voyage sans lui. La maladie en a décidé ainsi, je suis devenu à sa place le marcheur de Fès. J’ai compris à quoi tient une existence. Un kilomètre à peine sépare le mellah de la ville moderne, le monde juif de l’ancien secteur européen. Dans ce mouchoir de poche, Moshé Maman est devenu Maurice Maman. Comme tous les siens, le Juif marocain a rêvé de s’intégrer à la France, de parler sa langue, d’y construire sa maison, sa famille, son avenir.
J’ai traversé les ruelles et les cimetières, poussé la porte des rares synagogues, parlé aux derniers Juifs fassis dont la flamme s’éteindra bientôt. À chaque pas, je suis tombé sur ce père longtemps inconnu. Jusqu’à tomber sur moi, à l’improviste.

  Eric Fottorino est l’auteur de nombreux romans et récits qui traduisent sa quête des origines, comme Korsakov, L’homme qui aimait tout bas et Questions à mon père, parus chez Gallimard. Avec Le marcheur de Fès, il continue d’interroger le thème de la filiation à travers les racines marocaines de son père naturel.

Jacques Moreau (1903-1994), Fez, Bab el Mellah
Extrait
  Je sais que là, quelque part, dorment Yahia, ton grand-père le Berbère, et son épouse Zohra. Eux aussi je les chercherai. Pour l’instant Albert-Abraham tente de m’instruire sur votre communauté en voie de disparition. Moins de cinquante personnes à présent. Rien que des vieux. « Nous n’avons plus d’enfants », dit-il sans insister. Il sort des feuilles dactylographiées qui tremblent dans le vent. Devant nous l’horizon à perte de vue, les mamelons du Moyens Atlas. La nécropole est le seul lieu du mellah où le jour entre à pleine lumière, ou rien n’entrave la perspective. D'une voix un peu scolaire, le rabbin à barbe blanche laisse tomber des chiffres d’autrefois, quand les Juifs vivants se comptaient plus de vingt mille à Fès. C’était au début du protectorat. Depuis le XVe siècle, le sultan avait voulu le mellah collé à l’enceinte de son palais afin d’assurer la protection des Juifs. S’il tenait à leur proximité, c’était aussi pour solliciter à tout moment leurs médecins réputés infaillibles. Et pour s’assurer la fidélité des artisans de Sion, si habiles pour ciseler l’or, l’argent, le diamant. En transformant les métaux précieux en bijoux rares, ils accomplissaient des prodiges interdits aux Musulmans par le Coran.
  En ce temps là, les Juifs étaient des dhimmi, des protégés, libres de leur culte, placés sous le regard bienveillant du palais, à condition qu’ils acceptent de porter la calotte noire, d’être assujettis à l’Islam et à l’impôt. Calmann-Lévy

5 commentaires:

  1. La couverture illustre parfaitement la poésie du texte.
    Bonne journée Kenza.

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  2. Envie de le lire. Merci pour la découverte !

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  3. J'avais beaucoup aimé "l'homme qui aimait tout bas" je note ses deux derniers !
    Bonne soirée !

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  4. c'est là où j'avais buzzer
    et bien je trouve que commencer un roman sous cette forme est intéressante , j'avais commencé une parole à mon père quelques cjour plus t^to sous cette forme et quand j'ai lu ce 4eme de couverture ca m'a fait chaud le cœur comme quoi sans le savoir certaines formes se formes dans nos premiers jets je t’embrasse

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard