vendredi 28 mai 2010

Le paradoxe amoureux, Pascal Bruckner

Pompeo Girolamo Batoni (1708–1787), Diana and Cupid
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"Celui qui proposera à l'humanité de la délivrer de
l'exubérante sujétion sexuelle, quelque sottise qu'il
choisisse de dire, sera considéré comme un héros."
Sigumund Freud, Lettre à Fliess

Inventer l’amour, l’émanciper des tutelles religieuses et des politiques familiales, instaurer le mariage d’inclination, en finir avec le servage des femmes, tel fut le grand projet des réformateurs depuis le 18ème siècle. Il aura fallu presque trois siècles pour le mener à bien et offrir à chacun la possibilité d’aimer qui il souhaite, de frayer avec la personne de son choix. Cette immense conquête est problématique : comment l’amour, dont la vocation est de rattacher, peut-il se concilier avec la liberté dont l’effet est de séparer ? Cette contradiction explique le caractère à la fois ardent et fragile des romances contemporaines. Croyance inentamée dans les beautés de la passion, de la fidélité, constat des difficultés de cet idéal dès lors qu’il met face à face deux individus qui ne veulent rien sacrifier de leur bonheur personnel et préfèrent saborder leur union plutôt que la prolonger dans la routine ou la médiocrité. Pour résoudre ce déchirement, deux idéologies se coalisent : l’une progressiste veut en finir avec la fidélité, le couple, la famille ; l’autre conservatrice veut restaurer le mariage à l’ancienne, la monogamie indissoluble. Mais l’amour, têtu, oppose sa permanence, sa richesse, son ambivalence aux discours qui prétendent le corriger.
Le nouvel essai de Pascal Bruckner raconte, à travers les métamorphoses du mariage et de l’érotisme, la résistance du sentiment à tous les embrigadements. Nous n’avons pas trouvé la solution aux souffrances de l’amour, nous n’avons fait que multiplier les paradoxes. Il y a progrès dans la condition des hommes et des femmes mais il n’y a pas de progrès en amour : c’est la bonne nouvelle de ce troisième millénaire commençant.

Pascal Bruckner est l'auteur de plusieurs essais chez Grasset : La tentation de l'innocence (prix Médicis 1995), L'euphorie perpétuelle ou le devoir de bonheur (2000), Misère de la prospérité (prix du meilleur livre d'économie, prix Aujourd'hui 2002), La tyrannie de la pénitence (2006). Il a signé Le nouveau désordre amoureux (1977) avec Alain Finkielkraut. Grasset
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3 commentaires:

  1. Magnifique peinture! je reviendrais pour lire le texte avec plus d'attention. Belle journée douce Kenza!

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  2. Les principes de l'union indissoluble, de la fidélité, etc. sont vrai et restent vrai, mais ils ont l'inconvénient qu'il ne peuvent se concrétiser qu'à travers les qualités des personnes individuelles. On l'oublie trop souvent, on oublie trop souvent de se cultiver, d'aspirer à être dignes d'être aimées, avant même de penser à recueillir la moisson de plaisirs que l'amour peut apporter.
    Comme tout art, l'amour demande d'abord un apprentissage qui n'est pas seulement "techniques" mais qui demande d'affiner sa sensibilité et ses qualités humaines, tout simplement. Excusez-moi pour la longueur de ce commentaire, bonne journée chère amie...

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  3. Je crois que cet essai va devoir s'ajouter à ma liste de livres à livre qui s'allonge chaque jour...
    Ah si les journées pouvaient en faire autant!

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard