samedi 21 novembre 2009

Les belles choses que porte le ciel, Dinaw Mengestu

Dante et Virgile en enfer
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«[…] un homme coincé entre deux mondes vit et meurt seul.
Cela fait assez longtemps que je vis ainsi, en suspension.»
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Quatrième de couverture: Le jeune Sépha a quitté l’Éthiopie dans des circonstances dramatiques. Des années plus tard, dans la banlieue de Washington où il tient une petite épicerie, il tente tant bien que mal de se reconstruire, partageant avec ses deux amis, Africains comme lui, une nostalgie teintée d’amertume qui leur tient lieu d’univers et de repères. Mais l’arrivée dans le quartier d’une jeune femme blanche et de sa petite fille métisse va bouleverser cet équilibre précaire... Un premier roman brillant et sensible par un jeune écrivain américain d’origine éthiopienne.
Prix du roman étranger 2007.
Mengestu brasse avec maestria politique et sentimental, Shakespeare et Tchekhov. Il dessine d’inoubliables portraits d’exclus de la modernité, perdus entre deux mondes, suspendus dans l’espace et le temps. Fabienne Pascaud, Télérama
Editions: Albin Michel
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Dinaw Mengestu, © Mathieu Zazzo
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Extrait: C’est une tour de vingt-huit étages, dont vingt-six au moins sont occupés par d’autres Éthiopiens qui, comme mon oncle, sont arrivés après la révolution pour découvrir à leur grande surprise qu’ils ne bougeraient plus d’ici. Le bâtiment abrite tout un monde fait de vies et de relations anciennes transplantées, parfaitement intactes, d’Éthiopie. Parler de cet endroit comme d’un lieu insulaire est complètement à côté de la plaque. La vie, ici, est aussi proche que possible de la vie au pays, ce qui est précisément la raison pour laquelle je suis parti au bout de deux ans et celle pour laquelle mon oncle est resté. Derrière ces portes, on ne parle quasiment pas un mot d’anglais. Les couloirs à tous les étages, sentent le wat, le café et l’encens. Les femmes les plus âgées se promènent toujours en chaussons, d’appartement en appartement, la tête enveloppée d’un voile blanc, comme si elles arpentaient encore les rues grouillantes d’Addis. Les enfants ne nouent d’amitiés que lorsqu’elles sont permises par les parents. Quelques familles occupent des étages entiers. Elles gèrent ces étages comme de petits villages, avec les enfants, les petits-enfants, les grands-parents, et les pièces rapportées qui vivent tous à portée de voix les uns des autres. Il y a une certaine beauté, et une certaine terreur, dans ces étages-là. Je ne m’y suis aventuré qu’une fois pour voir tout ça par moi-même. En sortant de l’ascenseur, je me suis trouvé face à une rangée de portes ouvertes, chacune gardée par une jeune femme plantée sur le seuil qui me regardait avec plus d’appréhension et de peur que cela ne m’était jamais arrivé. J’ai fait immédiatement demi-tour et ai regagné l’ascenseur, avec l’impression d’avoir pénétré un espace sacré, que je n’aurais jamais plus le droit ni de voir ni de mentionner.
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Mon avis: Sans détour, je peux dire que j’ai adoré Les belles choses que porte le ciel, premier roman de Dinaw Mengestu. Le jeune écrivain américain d’origine éthiopienne aborde avec une très grande sensibilité et beaucoup de pudeur, le thème de l’exil vécu par son héros Sepha et deux de ses amis immigrés africains, dans une banlieue misérable de Washington. À travers les yeux de ce jeune héros, c’est plus précisément de cette solitude existentielle, empreinte de nostalgie dont il est question tout au long de cet admirable roman. Ou, comment retrouver l’illusion d’une quiétude et d’une paix intérieure loin de ses racines? Un roman que je recommande sans hésitation.
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Je remercie chaleureusement Suzanne et
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Vassily Kandinsky 1866-1944, Sur blanc II, Centre Pompidou

2 commentaires:

  1. Bonjour Kenza :-)
    Je note ce roman car ce que tu en dis me touche. De plus il ira à merveille dans le challenge 100 ans de littérature américaine où je me suis inscrite. Je voulais justement ajouter le thème "bi-culture" à ceux que j'ai déjà sélectionnés.
    Merci pour cette belle découverte.
    Kandinski me rappelle une pièce de théâtre dans laquelle j'ai joué.

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  2. C'est un très beau roman et tu penses bien que le thème me touche particulièrement.
    Tu fais bien de parler de Kandinski, j'aime donner une note personnelle à mes fiches de lecture en publiant des tableaux en relation avec le roman dont je parle.
    Je te souhaite une bonne lecture, je pense que tu ne seras pas déçue!
    Bises

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard