samedi 13 mars 2010

L’Amant, Marguerite Duras

Kuligowski Edouard (né en 1946), "Le baiser" Château Landon
(C) Collection Centre Pompidou, Dist. RMN / Philippe Migeat
***

Quatrième de couverture: « Dans L’Amant, Marguerite Duras reprend sur le ton de la confidence les images et les thèmes qui hantent toute son œuvre. Ses lecteurs vont pouvoir ensuite descendre ce grand fleuve aux lenteurs asiatiques et suivre la romancière danstous les méandres du delta, dans la moiteur des rizières, dans les secrets ombreux où elle a développé l’incantation répétitive et obsédante de ses livres, de ses films, de son théâtre. Au sens propre, Duras est ici remontée à ses sources, à sa “ scène fondamentale ” : ce moment où, vers 1930, sur un bac traversant un bras du Mékong, un Chinois richissime s’approche d’une petite Blanche de quinze ans qu’il va aimer. Il faut lire les plus beaux morceaux de L’Amant à haute voix. On percevra mieux ainsi le rythme, la scansion, la respiration intime de la prose, qui sont les subtils secrets de l’écrivain. Dès les premières lignes du récit éclatent l’art et le savoir-faire de Duras, ses libertés, ses défis, les conquêtes de trente années pour parvenir à écrire cette langue allégée, neutre, rapide et lancinante à la fois capable de saisir toutes les nuances, d’aller à la vitesse exacte de la pensée et des images. Un extrême réalisme (on voit le fleuve, on entend les cris de Cholon derrière les persiennes dans la garçonnière du Chinois), et en même temps une sorte de rêve éveillé, de vie rêvée, un cauchemar de vie : cette prose à nulle autre pareille est d’une formidable efficacité. À la fois la modernité, la vraie, et des singularités qui sont hors du temps, des styles, de la mode. »
François Nourissier
Marguerite Duras (1914-1996) a obtenue le Prix Goncourt en 1984 pour ce roman

Extrait
 
« Il sent bon la cigarette anglaise, le parfum cher, il sent le miel, à force sa peau a pris l’odeur de la soie, celle fruitée du tussor de soie, celle de l’or, il est désirable. Je lui dis ce désir de lui. Il me dit d’attendre encore. Il me parle, il dit qu’il a su tout de suite, dès la traversée du fleuve, que je serais ainsi après mon premier amant, que j’aimerais l’amour, il dit qu’il sait déjà que lui je le tromperai et aussi que je tromperai tous les hommes avec qui je serai. Il dit que quant à lui il a été l’instrument de son propre malheur. Je suis heureuse de tout ce qu’il m’annonce et je le lui dis. Il devient brutal, son sentiment est désespéré, il se jette sur moi, il mange les seins d’enfant, il crie, il insulte. Je ferme les yeux sur le plaisir très fort. Je pense : il a l’habitude, c’est ce qu’il fait dans la vie, l’amour, seulement ça. Les mains sont expertes, merveilleuses, parfaites. J’ai beaucoup de chance, c’est clair, c’est comme un métier qu’il aurait, sans le savoir il aurait le savoir exact de ce qu’il faut faire, de ce qu’il faut dire… » Page 54

2 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé ce livre, mais aussi le film malgré tout.

    RépondreSupprimer
  2. Me vient en tête une anecdote qui va t'amuser...
    Malgré son prix Goncourt, le roman de Duras est resté coincé dans les cales d'un bateau du port de Montréal... parce que quelqu'un voulait déterminer s'il ne s'agissait pas de pornographie...
    Fou, non?

    RépondreSupprimer

«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard