Martini Gaetano (1845-1917), A Turkish Beauty
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«En réalité, nul ne sait lorsqu'il le vit qu'il s'agit là du moment
le plus heureux de sa vie.»
Quatrième de couverture***
«En réalité, nul ne sait lorsqu'il le vit qu'il s'agit là du moment
le plus heureux de sa vie.»
Kemal, un jeune homme d’une trentaine d’années, est promis à Sibel, issue comme lui de la bonne bourgeoisie stambouliote, quand il rencontre Füsun, une parente éloignée et plutôt pauvre. Il tombe fou amoureux de la jeune fille, et sous prétexte de lui donner des cours de mathématiques, la retrouve tous les jours dans l’appartement vide de sa mère. En même temps, il est incapable de renoncer à sa liaison avec Sibel.
C’est seulement quand Füsun disparaît, après les fiançailles entre Sibel et Kemal célébrées en grande pompe, que ce dernier comprend à quel point il l’aime. Kemal rend alors visite à sa famille et emporte une simple réglette lui ayant appartenu : ce sera la première pièce du musée qu’il consacrera à son amour disparu. Puis, il avoue tout à Sibel et rompt les fiançailles.
Quand, quelque temps après, Kemal retrouve la trace de Füsun, mariée à son ami d’enfance Feridun, son obsession pour la jeune femme montera encore d’un cran…
Le musée de l’innocence est un grand roman nostalgique sur l’amour, le désir et l’absence, une nouvelle preuve de l’immense talent de l’écrivain turc. Gallimard
Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 672 pages
Parution : 24-03-2011. 25,00 €
Traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 672 pages
Parution : 24-03-2011. 25,00 €
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Antoine Ignace Melling, Vue du grand Bend, dans la foret de Belgrade |
Je me rendais chaque jour dans l'immeuble Merhamet à l'heure dite et l'attente commençait. Comprenant que ma souffrance augmentait d'autant plus que j'arrivais tôt, je décidai de ne pas venir avant deux heures moins cinq. J'entrais dans l'appartement en tremblant d'impatience; les dix ou quinze premières minutes, espoir et dépit amoureux se mêlaient, la douleur qui me nouait le ventre le disputait à l'excitation fébrile que je sentais battre entre mon nez et mon front. Je passais mon temps à regarder la rue à travers les rideaux, je gardais les yeux rivés sur la rouille du réverbère en face du porche, je rangeais un peu la chambre, je tendais l'oreille au bruit des pas sur le trottoir. Parfois, je croyais reconnaître sa démarche dans un énergique claquement de talons féminins. Mais le bruit de pas s'évanouissait et, déçu, je comprenais que la personne qui entrait dans l'immeuble en refermant doucement la porte de l'allée était quelqu'un d'autre.
Antoine Ignace Melling, Palais de la sultane Hatice |
J'expose ici cette montre et ces petits tas d'allumettes afin de dépeindre comment je passais ces dix ou quinze minutes au cours desquelles je me rendais peu à peu à l'évidence que Füsun ne viendrait pas ce jour-là. Pendant que je déambulais dans les pièces, regardais par la fenêtre ou bien restais immobile dans un coin, j'écoutais les remous intérieurs de ma douleur. L'appartement résonnait du tic-tac des pendules et, fixant mon attention sur les secondes et les minutes, je tâchais d'atténuer ma souffrance. A mesure qu'approchait l'heure de notre rendez-vous, le sentiment que « aujourd'hui, oui, elle arrive maintenant » s'épanouissait comme une fleur au printemps. Durant ces minutes, j'aurais aimé que le temps s'accélère pour retrouver ma belle au plus tôt. Mais ces cinq minutes étaient interminables. Dans un éclair de lucidité, je pensais soudain que je me leurrais, que je ne désirais nullement que le temps passe car Füsun ne viendrait peut-être pas. A deux heures pile, je ne savais si je devais me réjouir parce que l'heure de notre rendez-vous était arrivée ou bien m'attrister parce que, désormais, la probabilité de venue de Füsun s'amenuisait à chaque instant. Tel le passager d'un bateau s'éloignant du quai, chaque seconde écoulée m'éloignait de la bien-aimée que j'avais laissée derrière moi; sachant cela, j'essayais de me convaincre que les minutes passées n'étaient pas si nombreuses et, dans ma tête, je rassemblais les secondes et les minutes en petits fagots. [...] Je me voyais déjà me fâcher contre elle parce qu'elle n'était pas venue les jours précédents ou lui pardonner aussitôt que je la verrais. Les souvenirs aussi se mêlaient à ces rêveries de courte durée; la tasse dans laquelle Füsun avait bu son thé lors de notre première rencontre, cet ancien petit vase qu'elle avait pris en main sans but précis alors qu'elle déambulait d'un pas pressé dans l'appartement... il suffisait qu'ils accrochent mon regard pour me la rappeler. Après avoir rechigné quelques temps à accepter que le quatrième puis le cinquième paquet de cinq minutes étaient révolus, ma raison devait finalement admettre que Füsun ne viendrait pas non plus ce jour-là. A cet instant, ma souffrance devenait si vive que, pour la supporter, je me jetais tel un malade sur le lit.
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« [...] je vis mon reflet dans le miroir et, à l'expression de mon visage,
je perçus l'étonnante coupure qu'il y avait entre mon âme et mon corps. »
Biographie
Après avoir étudié l'architecture pendant trois ans, Orhan Pamuk intègre l'institut de journalisme de l'université d'Istanbul, d'où il ressort diplômé. Il entame brillamment sa carrière d'écrivain en 1982 avec 'Cevdet Bey et ses fils', qui reçoit le prix du roman Orhan Kemal l'année suivante. Son second roman, 'La Maison du silence' (1983), est également récompensé du prix du roman Madarali, tout comme sa traduction française, prix de la Découverte européenne quelques années plus tard. En 1985, Orhan Pamuk sort un roman historique, 'Le Château blanc', qui vient conforter sa notoriété au niveau international. Chacun de ses ouvrages fait l'objet d'un débat. Ainsi, en 1990, 'Le Livre noir' s'impose comme l'un des romans les plus controversés et les plus lus de la littérature turque et 'La Vie nouvelle' est un best-seller en Turquie en 1995. Ecrivain engagé, Orhan Pamuk n'hésite pas à dénoncer les injustices et les incohérences de son pays et de sa religion. En 2005, suite à une interview dans laquelle il pointe du doigt les violences politiques, il est d'ailleurs poursuivi, sans suites, pour 'insulte à l'identité de son pays'. Mais l'homme a su se hisser au rang des plus grands noms de la littérature mondiale, et se voit finalement décerner le 12 octobre 2006 la plus prestigieuse des distinctions : le prix Nobel de littérature. Evene
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Un franc coup de coeur pour
ce roman d'une beauté à couper le souffle!
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bonjour Kenza,
RépondreSupprimeret bien heureusement que tu parles de ce livre, bien failli passer à côté... j'adore Pamuk !
bonne journée à toi,
et toujours en admiration devant les beautés que tu nous offres,
bises
Tu viens de me donner envie de le lire immédiatement ! Voilà un roman qui accompagnera mes vacances d'avril. Merci Kenza et très belle journée à toi !
RépondreSupprimer"Insulte à l'identité"...
RépondreSupprimerCette manie de vouloir formater et donc coucher sur des papiers administratifs, un pays qui serait réduit à une identité unique, uniforme, unilingue.
Avec en parallèle la délation, le rejet, la chasse aux sans papiers de cette identité exclusive et imposée.
Les policiers de ces frontières-là finiront un jour, aussi lointain soit-il, par être dépassés par l'universel...
Ma pile des "à lire" ne te dit pas merci ;) mais moi, si !
RépondreSupprimerUn de mes auteurs favoris! Je mets ce livre-là sur la liste. Merci ma douce. Taouhashtek!!!!
RépondreSupprimerje suis tentée de lire ce livre, mais j'ai lu Istambul...et que c'est lent et long.
RépondreSupprimerDifficile ainsi de s'y tenir.
Par ailleurs, je suis très contente de découvrir cejoli blog, je reviendrai, c'est sûr !!!
Jeanne
«En réalité, nul ne sait lorsqu'il le vit qu'il s'agit là du moment
RépondreSupprimerle plus heureux de sa vie.»
Il faut d'abord vivre le "moment". On ne peut savoir qu'après, c'est vrai !
Je me suis attardée sur le délicieux sourire de l'écrivain !
:-) Depuis que je fréquente internet je lis moins, je le regrette souvent, car rien ne remplace la "relation" unique avec un livre !
J'aime l'écriture d'Orhan Pamuk et il me fera plaisir de lire ce livre, dès que la folie de mes jours sera finie.
RépondreSupprimerJ’aime beaucoup Pamuk – encore un livre à mettre sur ma liste. Je viens de passer encore de bons moments avec toi Chère Kenza, je ne viens pas souvent car je veux être libre de prendre autant de temps que possible pour déguster tous tes jolis posts.
RépondreSupprimerTon billet me plaît beaucoup puisque j'aime bien cet auteur et son écriture qui nous raconte son pays. J'ai bien sûr envie de lire ce dernier et ton billet me le confirme !
RépondreSupprimerMERCI §
A BIENTÖT
Insupportable Kemal, qu'il est énervant, dès le début et encore plus ensuite!...Cependant Pamuk décrit bien la société d'Istamboul dans les années 70,le désir, l'absence, mais que c'est long, long,long...Bien écrit, de beaux passages. Ce roman ne laisse pas indifférent, mais j'ai eu du mal à avancer dans la lecture parfois et j'ai même failli renoncer par moments
RépondreSupprimerCe n'est pas long mais lent comme une brise sur le Bosphore. Que devrait dire Füsun ou Kemal? Comment peut-on décrire tant de détails familiers sans les avoir vécus? Comment une fausse blonde pédante peut-elle ainsi nous subjuguer et nous anéantir ? Comment peut-on imaginer une histoire qui fasse passer Roméo et Juliette pour un épisode de Secret Story ? Cet homme a plus de talent qu'Istanbul n'a de beautés. Merci Orhan, je veux devenir gardien de ce musée.
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